Vingt ans après l’adoption par le plus vaste rassemblement de femmes au monde d’un programme ambitieux pour promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, les femmes sont dans une situation à peine meilleure au regard de l’égalité au travail, souligne l’Organisation internationale du travail (OIT) à la veille de la Journée internationale de la femme, qui sera célébrée le 8 mars.
« Les femmes qui travaillent sont-elles en meilleure posture aujourd’hui qu’il y a vingt ans? », s’est interrogé le Directeur général de l’OIT, Guy Ryder. « La réponse est un oui nuancé. Ces progrès ont-ils répondu à nos attentes? La réponse est résolument non. Nous devons faire preuve d’innovation, recentrer le débat et redonner la priorité au respect des droits des femmes au travail, à la promotion de l’égalité des sexes et à l’autonomisation économique des femmes ».
Le bilan des progrès accomplis dans la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action adoptés lors de la Quatrième conférence mondiale sur les femmes à Beijing en 1995 est mitigé, indique l’OIT.
Parallèlement, l’OIT a aussi publié un nouveau document de travail sur « l’écart salarial lié à la maternité » qui pénalise souvent les femmes dans le monde, en plus et au-delà de l’écart salarial qu’elles connaissent déjà en tant que femmes. Selon ce document, intitulé « L’écart salarial lié à la maternité: analyse des problèmes, théorie et données internationales », les mères gagnent souvent moins que les femmes sans enfant, selon le lieu où elles vivent et le nombre d’enfants qu’elles ont.
En termes de politique, de législation et de ratification des normes internationales du travail, une réelle avancée a été enregistrée. Ainsi, en 1995, 126 Etats Membres de l’OIT avaient ratifié la Convention sur l’égalité de rémunération, 1951 et 122 avaient ratifié la Convention sur la discrimination (emploi et profession), 1958. Les chiffres atteignent aujourd’hui 171 et 172 respectivement.
Pourtant, les femmes sont toujours confrontées à de fréquentes discriminations et inégalités au travail. Dans la plupart des régions du monde, les femmes occupent souvent des emplois dévalorisés et mal rémunérés; elles ont difficilement accès à l’éducation, à la formation et au recrutement; elles ont un pouvoir limité en matière de négociation et de prise de décision; elles endossent la responsabilité de l’essentiel des tâches ménagères non rémunérées.
A l’échelle mondiale, l’écart des taux de participation au marché du travail des hommes et des femmes n’a reculé que marginalement depuis 1995. Actuellement, environ 50% des femmes travaillent, contre 77% des hommes. En 1995, ces chiffres étaient respectivement de 52 et 80%. On estime que réduire cet écart des taux d’activité entre hommes et femmes de 25% dans les pays du G20 d’ici à 2025 permettrait de faire entrer 100 millions de femmes supplémentaires sur le marché du travail.
La protection de la maternité s’est améliorée, bien que beaucoup de femmes soient encore laissées-pour-compte. Tandis que le pourcentage de pays offrant 14 semaines ou plus de congé maternité est passé de 38 à 51%, plus de 800 millions de travailleuses dans le monde, soit 41% de la population féminine, ne disposent toujours pas d’un congé maternité convenable.
Dans le même temps, les Etats reconnaissent de plus en plus les responsabilités familiales des hommes. En 1994, 28% des pays analysés octroyaient, sous une forme ou une autre, un congé paternité. En 2013, ce chiffre a atteint 47%.
Aujourd’hui, les femmes possèdent et dirigent plus de 30% de l’ensemble des entreprises mais elles ont tendance à se concentrer dans les micro et petites entreprises. Des femmes siègent au conseil d’administration de 19% des sociétés à l’échelle mondiale mais seuls cinq pour cent ou moins des PDG des grandes entreprises mondiales sont des femmes.
Alors que les hommes commencent à assumer une plus grande part des responsabilités familiales, les femmes continuent d’être responsables de l’essentiel des soins apportés à la famille, ce qui limite souvent leur accès à un emploi rémunéré à plein temps ou les confine dans des postes à temps partiel, qui ne sont généralement pas aussi bien payés, les femmes consacrent en moyenne 26 heures par semaine aux activités ménagères et aux soins, contre neuf heures pour les hommes.
La violence reste le facteur majeur qui mine la dignité des femmes et l’accès au travail décent. Quelque 35% des femmes sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles qui affectent leur présence au travail.
Un retard salarial persiste pour toutes les femmes, qu’elles aient ou non des enfants. En général, les femmes gagnent en moyenne 77% de ce que perçoivent les hommes, avec un écart absolu qui se creuse pour les femmes les mieux rémunérées. L’OIT a noté qu’au rythme actuel, sans action ciblée, l’égalité salariale entre hommes et femmes ne serait pas atteinte avant 2086, soit dans un délai d’au moins 71 ans.
En outre, l’OIT affirme que l’écart de rémunération non ajusté lié à la maternité semble plus important dans les pays en développement que dans les pays développés. A l’échelle mondiale, l’écart salarial lié à la maternité augmente avec le nombre d’enfants qu’a une femme; dans de nombreux pays européens, par exemple, avoir un enfant n’a qu’un effet négatif réduit, mais les femmes qui ont deux enfants et surtout celles qui en ont trois sont lourdement pénalisées sur le plan salarial. Dans les pays en développement, les données indiquent que le sexe de l’enfant peut avoir une influence dans la mesure où les filles ont davantage tendance que les garçons à participer aux tâches familiales et ménagères, réduisant ainsi l’écart lié à la maternité.
« La conclusion principale vingt ans après la Conférence de Beijing est qu’en dépit de progrès à la marge, il nous reste des années voire des décennies avant que les femmes jouissent des mêmes droits et prestations que les hommes au travail », a déclaré Shauna Olney, Cheffe du Service du Genre, de l’égalité et de la diversité de l’OIT. « L’OIT a lancé l’initiative du Centenaire pour les femmes au travail: elle prévoit d’accélérer l’engagement en faveur d’une action globale qui permettra de relever ce défi et de réaliser le programme de transformation sur l’égalité des sexes et l’émancipation des femmes que visent les objectifs de développement durable proposés par l’ONU. Ce changement ne va pas se produire de manière automatique. Pour qu’il advienne, des interventions politiques spécifiques, ciblées et courageuses sont indispensables ».