« … Durant les cinquante années, nous avons édifié l’architecture de notre indépendance. Demain, nous allons lui donner les contenus économiques qu’elle mérite ». Quelle réflexion vous inspire cette assertion du Président de la République, son Excellence Paul BIYA, lors de la clôture du sommet Africa 24 tenu au mois de mai 2010 à Yaoundé ?
TOPIC : "… For fifty years, we have structured our independance. Tomorrow, we shall give it the economic and social substance that it deserves". What do you think of this statement by the President of the Republic, His Excellency Paul BIYA, during the closing ceremony of the "Africa 21" Summit held in May 2010 in Yaoundé ?
- I.Compréhension du sujet
Le sujet en français et celui en anglais comportent des variantes qui leur permettent de s’éclairer mutuellement.
- 1.« … nous avons édifié l’architecture de notre indépendance ».
Dans la version en français, indépendance est un complément déterminatif d’architecture. Dans ce cas, lui dans « nous allons lui donner… » renvoie à architecture. Cela pourrait amener le candidat francophone qui ne lit pas la version en anglais du sujet à croire que les débats portent sur l’architecture.
La version en anglais est plus claire : « we have structured our independance », « nous avons structuré notre indépendance ». "it" dans « we shall give it… » renvoie à indépendance. Le candidat francophone doit comprendre que les débats portent sur l’indépendance ou plus précisément sur l’architecture de l’indépendance.
Au moment où le Cameroun accède à l’indépendance le 1er janvier 1960, celle-ci n’a pas d’architecture, de structure (elle n’est pas structurée). Le pays accède à l’indépendance sans en avoir été préparé. Il a pris cinquante ans pour donner une ossature à son indépendance.
Le texte comporte donc un bilan et des perspectives (ce qui a été fait et ce qui reste à faire). La première phrase comporte un verbe conjugué au passé composé, temps qui exprime une action achevée dans le passé mais qui a des répercussions dans le présent. La seconde phrase comporte un futur proche et le mot lendemain. Nous sommes ici dans une logique de construction par étapes.
- 2.« Demain, nous allons lui donner les contenus économique et social qu’elle mérite ».
- Soit notre indépendance n’a pas de contenu social et économique, soit celle-ci a un contenu social et économique qui n’est pas ce qu’elle mérite. Il est grand temps de donner à notre indépendance les contenus économique et social qu’elle mérite.
- Il y a dans les propos du Président une idée d’insatisfaction qui montre que beaucoup reste à faire. L’indépendance est une quête (l’antithèse de ce sujet posera le problème car l’auteur de la pensée a déjà lui-même nuancé sa pensée).
- Il y a un ordre de priorité choisi par le Président : l’économie et le social.
- 3.Architecture … contenus… Le texte exprime une opposition entre architecture et contenu qu’il ne faut pas négliger, en anglais, structure vs substance. Cette opposition exprime un contraste qui se manifeste par le présence des contenants et l’absence des contenus, des structures sans substances (le squelette sans chair).
- 4.« Notre indépendance… » Le Président Biya parle-t-il du Cameroun ? Parle-t-il au nom de tous les Chefs d’Etats présents à la cérémonie de clôture du sommet Africa 21 ? Les candidats doivent faire preuve d’ouverture d’esprit pour comprendre que Son Excellence Paul Biya prend la parole ici pourclôturer un sommet auquel participent de nombreux Chefs d’Etats africains.
- II.Clarification des concepts
Architecture : structure, ossature, squelette, disposition des éléments d’un édifice.
Indépendance : Etat d’un individu, d’un groupe ou d’une nation qui ne sont soumis à aucune autorité extérieure. A la fois synonyme et différent d’autonomie qui implique le pouvoir de s’administrer avec un territoire, des institutions et un développement autocentré.
Economie : biens, richesses, circulation des biens, production des biens, consommation des biens, activité économique.
Social : qui concerne les hommes et la vie en société, relations entre acteurs sociaux.
- III.Consigne d’écriture
Il est demandé aux candidats de donner leur point de vue sur une question. Les candidats ne doivent pas se limiter au commentaire du sujet. Ils doivent donner leur opinion.
Ce genre de sujet pose nécessairement problème car certains candidats peuvent avoir peur d’être pénalisés à cause de leurs opinions. La version anglaise est claire « What do you think of this statement… ? ». Le candidat qui ne prend pas position n’a pas traité le sujet.
- IV.Réécriture du sujet
Pendant cinquante ans, nous avons planté les jalons de notre indépendance. Le moment est venu de la consolider aux plans économique et social.
- V.Problématique
Quel est le bilant des cinquante années d’indépendance des pays africains ? Ce bilan est-il positif ? Les pays africains peuvent-ils prétendre être indépendants alors qu’ils sont économiquement et socialement dépendants ? Peut-il y avoir indépendance sans souveraineté ? Les pays africains pourront-ils être économiquement et socialement indépendants ? Peut-on être indépendants en contexte de mondialisation ?
- VI.Plans possibles
La consigne d’écriture appelle nécessairement un plan en trois parties : thèse, antithèse, synthèse.
- 6.1.Premier plan possible
Introduction
- 1.Thèse
Le candidat justifie la pensée de l’auteur. Il montre que : les pays africains n’ont pas été préparés à l’indépendance par les anciens colonisateurs. Certains ont acquis leurs indépendances par la force des armes. A d’autres, elles ont été octroyées à la suite de pressions et sans préparation.
C’est après avoir acquis leurs indépendances que ceux-ci se sont mis à en planter les jalons :
- Construction d’une nation ;
- Mise en place des structures de l’Etat ;
- Elaboration d’une constitution ;
- Elaboration d’une politique linguistique, politique économique, politique industrielle, politique agricole, politique éducative, etc.
- Dans le cas du Cameroun, Réunification, Unification, etc.
- Plans quinquennaux, autosuffisance alimentaire, révolution verte, mise en place de la démocratie, création de partis politiques.
On n’attend pas du candidat qu’il ait une parfaite maîtrise de l’histoire des institutions. Il doit cependant faire preuve d’une bonne culture en ce qui concerne l’histoire de l’Afrique et particulièrement celle du Cameroun.
Le sujet étant un sujet de culture générale, le candidat devra faire montre d’ouverture d’esprit, d’une bonne culture générale et d’une maturité d’esprit. La connaissance des grands auteurs est nécessaire : Biya, Alima, Balla, Mabarga, Etoga, Ki-Zerbo, Mveng, etc.
- 2.Antithèse
Un administrateur de greffe doit être capable d’étudier un dossier, de donner son opinion et de proposer des solutions. Il doit éclairer la justice. On attend donc de lui une maîtrise des dossiers, une ouverture d’esprit et une capacité d’analyse hors du commun.
Jusqu’où doit donc aller l’antithèse ? Le candidat peut-il prendre le contre-pied de l’auteur ou alors se doit-il se limiter à émettre des réserves sur sa pensée ?
Un bon candidat peut donc :
- Emettre des réserves sur la pensée de l’auteur et aller plus loin
- Remettre en question l’indépendance des pays africains en montrant que ces indépendances ne sont que des indépendances de façade ;
- Montrer que la plupart d’entre eux n’ont même pas eu le temps de planter les jalons de leur indépendance puisqu’ils ont passé le temps à faire la guerre. Certains sont encore en guerre. Dans d’autres, les guerres ont donné lieu à des génocides et au phénomène des enfants soldats.
- La mise en place de la démocratie et du multipartisme a plutôt contribué à les affaiblir, en créant des divisions, des replis identitaires, des affrontements, des guerres intestines qui ont contribué à détruire les structures déjà existantes.
- Montre qu’en entrant dans le FMI, ils ont perdu leur souveraineté. Certains d’entre eux sont encore sous ajustement structurel.
- En adoptant un statut de pays pauvres et très endettés, ils ont perdu leur dignité et leur souveraineté, et n’ont fait qu’accroître leur misère et hypothéquer leur indépendance.
- En devenant membres du Tribunal Pénal International, ils se sont constitué prisonniers car celui-ci semble n’avoir les mains libres que pour juger les faibles.
- Les jalons de l’indépendance ne sont même pas encore posé pour certains. On panse encore les plaies des guerres intestines. On lutte encore contre les phénomènes des enfants soldats et du travail des enfants.
- 3.Synthèse
Le candidat ne doit pas seulement balancer le pour et le contre ou nuancer sa pensée. Il doit faire preuve de maturité d’esprit et de responsabilité en prenant position et en proposant des solutions.
- L’indépendance est une quête perpétuelle et un processus dynamique.
- La plupart des organisations internationales constituent des structures de néocolonialisme où les pays forts dictent en fait leurs lis aux plus faibles.
- On comprend pourquoi le Cameroun a longtemps résisté avant d’entrer dans le FMI.
- On comprend pourquoi certains Etats développent aujourd’hui l’arme atomique pour protéger leur souveraineté
- Les africains doivent faire bloc pour lutter contre le néocolonialisme. Le Tchad a refusé de livrer Omar El Béchir au TPI et demande aujourd’hui à la France de payer pour sa présence militaire sur son territoire.
- La bonne gouvernance etla démocratie certes, mais celles-ci ne contribuent-elles pas à affaiblir davantage les pays pauvres et très endettés d’Afrique ?
- Les pays africains doivent sortir des plans d’ajustement structurels et développer l’autosuffisance alimentaire.
- La création d’une monnaie nationale indépendante est une condition nécessaire à l’indépendance économique.
- 6.2.Deuxième plan possible
Il peut cependant arriver que certains cansdidats ne consacrent pas une troisième partie uniquement à leur prise de position. Ceux-ci font une dissertation en deux parties puis prennent position à la conclusion. Leur travail pourrait se présenter comme suit :
Introduction
Thèse
Antithèse
Conclusion