Constitution et souveraineté du peuple au Cameroun
Exploration conceptuelle du sujet
- La notion de constitution : Loi fondamentale de l’Etat, la constitution est l’ensemble des règles qui définissent le statut des gouvernements et les rapports gouvernant – gouvernés. Elle définit les règles d’organisations et de fonctionnement des institutions et constitue de ce point de vue, le cadre de l’Etat de droit. Elle apparait comme une source de légitimité puisqu’elle fonde l’autorité des gouvernants, en organisant le mode de dévolution du pouvoir politique. La constitution est également un mode d’organisation des libertés et des droits, dans leur énonciation textuelle, comme dans leur protection.
Le Cameroun a opté pour la forme écrite de la Constitution, qui permet d’inscrire dans un document le contrôle social, offrant ainsi aux libertés et aux règles constitutionnelles en générale une cohérence, une sûreté et une sécurité juridique.
- La souveraineté du peuple
- La souveraineté selon la doctrine est le pouvoir absolu et illimité. Elle est le pouvoir originaire c'est-à-dire, "la compétence de la compétence" selon l’expression de Jellineck.
- Le peuple désigne la population de l’Etat. Mais une population construite autour de la citoyenneté et de la République. La population de l’Etat a vocation à former une Nation. La nation est donc au cœur de la vie de l’Etat. Ce concept a divisé la doctrine autour de la citoyenneté et de la République. La population de l’Etat a vocation à former une Nation. La nation est donc au cœur de la vie de l’Etat. Ce concept a divisé la doctrine autour de deux tendances ;
- La première conception, défendue par la doctrine germanique (Fichte) réduisant Nation à la race, cette conception de la nation – race a été à l’origine du nazisme et autres extrémismes qui ont été décriés ;
- La deuxième tendance défendue par la doctrine française portée par Ernest Renan et Fustel De Coulanges, associe éléments objectifs et subjectif, faisant de la Nation et le vouloir-vivre ensemble.
En tout cas, l’Etat s’est construit autour de certaines valeurs fondamentales dont celle de la création du peuple que sont la souveraineté populaire et la souveraineté nationale portées respectivement par Jean Jacques Rousseau et Sieyes.
Souveraineté populaire : Souveraineté dont le titulaire est le peuple considéré comme la totalité concrète des citoyens, qui en détiennent chacun une fraction. Cette conception a pour conséquences le suffrage –droit (universel) et la démocratie directe.
Souveraineté nationale : souveraineté dont le titulaire est la Nation, entité collective indivisible, et donc, distincte des individus qui la compose. Cette conception consacrée par la Révolution de 1789 dans le but de restreindre le rôle des citoyens, mal préparés à la vie politique, qui n’auront aucun droit propre à participer à l’exercice de la souveraineté. D’où l’interdiction du mandat impératif.
La souveraineté du peuple exprime donc le pouvoir originaire et concourt à structurer la démocratie (pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple).
Délimitation du sujet
Le peuple exerce la souveraineté par le biais de la représentation ou directement par référendum. Nous excluons dès lors cette réflexion, les préoccupations de démocratie locale. La constitution est claire et sans équivoque à cet égard en son article 4.
Le couple constitution – souveraineté est au cœur de la vie de l’Etat et de toute la doctrine du droit constitutionnel, voire même des relations internationales (Acte constitutif de l’Union Africaine). Le Cameroun dès son accession à l’indépendance et à travers ses différentes constitutions (1960 – 1961 – 1972), consacre le principe de la souveraineté du peuple comme source du pouvoir politique.
Problématique
Dans quelle mesure souveraineté du peuple et constitution se concilient-elles au Cameroun ? Quelle place la Constitution au Cameroun accorde-t-elle à la souveraineté du peuple ?
Cette problématique s’inscrit fondamentalement dans la théorie et la pratique du Droit Constitutionnel.
A la réflexion, il apparait que le Cameroun a rejeté le mode autocratique d’élaboration des constitutions et a retenu le mode démocratique. Au fronton de la Constitution du Cameroun, le peuple camerounais proclame qu’il constitue une seule et même Nation. L’option du constituant a toujours été de faire du Cameroun un République. Cette forme républicaine de l’Etat et les principes démocratiques régissant la République sont intangibles, au même titre que l’unité et l’intégrité territoriale de l’Etat, sont exclues du champ de révision de la constitution (art. 64 de la Constitution).
En effet, comme on le verra, la constitution du Cameroun accorde une place essentielle à la souveraineté du peuple en conciliant souveraineté populaire et souveraineté nationale (art. 2 de la Constitution), mais son effectivité reste mesurée.
Annonce du plan
- La souveraineté du peuple est consacrée et aménagée par la Constitution ;
- L’effectivité de la souveraineté du peuple est mesurée.
Eléments d’introduction
- Partir de la définition de la souveraineté du peuple et sa forme d’expression la plus achevée, la Constitution ;
- Définir la constitution ;
- Poser la corrélation entre la Constitution et la souveraineté du peuple ;
- Questionnement du sujet ;
- Intérêt ;
- Plan.
I- La constitution constitutionnelle de la souveraineté du peuple
A- Fondements et aménagement constitutionnels du principe de la souveraineté du peuple
1- La différence du préambule de la Constitution au peuple Camerounais dans ses deux principaux paragraphes.
2- Les affirmations formelles :
- Article 1er al 2 : « La République du Cameroun est un Etat démocratique » ;
- Article 2 al 1er et 2 « ka souveraineté nationale appartient au peuple camerounais qui l’exerce soit par l’intermédiaire du Président de la République et des membres du Parlement, soit par voie de référendum. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice ;
- « les autorités chargées de diriger l’Etat tiennent leurs pouvoirs du peuple par voie d’élection au suffrage unie directe ou indirecte (…) »
- Article 4 « l’autorité de l’Etat est exercée par : le Président de la République et le Parlement » ;
- Article 15 al 3 : « Tout mandat impératif est nul ».
3- La protection constitutionnelle du principe de la souveraineté du peuple
- La protection par la Représentation politique
- Le rôle du Président de la République ;
- Le rôle des Parlementaires.
- La protection par les organes juridictionnels
- Le rôle du conseil constitutionnel (art. 8 de la Constitution);
- Le rôle des Hautes Cour de Justice (art 53 de la Constitution)
B- Les modalités d’exercice de la souveraineté du peuple
1- Le peuple est titulaire du pouvoir constituant
- Le pouvoir d’établissement de la Constitution relève du peuple (pouvoir constituant originaire) ;
- Le pouvoir de modification de la Constitution révèle également du peuple (pouvoir constituant dérivé)
2- L’élection des représentants
- L’élection du suffrage universel du Président de la République ;
- L’élection au suffrage universel direct de certains Sénateurs
3- Le recours toujours possible au référendum
- L’initiative du recours au référendum ;
- Le déroulement du référendum.
II- L’effectivité mesurée de la souveraineté du peuple
A- L’effritement de la souveraineté de la République
- La prééminence du Président de la République ;
- Le développement du fait majoritaire
- La tendance vers le gouvernement des juges
B- L’émergence d’autres formes d’expressions du peuple
- Le regain d’importance de la démocratie locale ;
- L’affirmation du rôle des médias ;
- Les pétitions et mouvements de rue ;
- Le phénomène de l’abstention électorale.
Conclusion
Au Cameroun comme dans la plupart des Etats démocratiques modernes, la Constitution consacre la Souveraineté du peuple. Toutefois, dans la pratique, le pouvoir politique semble de plus en plus être confisqué par la Représentation. Ce qui conduit au déclin du pouvoir du peuple dans la vie politique.
Il s’agit donc d’un phénomène général qu’on observe dans la plupart des démocraties. Aussi serait-il important que le renouveau du constitutionnalisme contribue à réhabiliter le peuple en tant que source et finalité du pouvoir. A ce titre, la constitution qui est le cadre d’expression du peuple, mérite d’être encore pleinement définie.
Commentaires
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