L’intervention du juge dans l’action administrative au Cameroun
Définition des termes
Intervention : « action d’intervenir dans une situation quelconque, un débat, une action, etc. ». Intervenir, c’est prendre part volontairement à une action pour en modifier le cours.
Juge : Magistrat chargé de rendre la justice en application de la loi. Dans une approche partant de la séparation des pouvoirs, le juge peut être assimilé au pouvoir judiciaire face au pouvoir exécutif dont l’administration est le bras séculier. Une acceptation plus large permet d’intégrer les juridictions ne relevant pas strictement du pouvoir judiciaire comme le Conseil Constitutionnel.
Action administrative : ensemble des activités menées par l’administration, faisant notamment recours aux prérogatives de puissances publique. L’action administrative se déploie à travers deux moyens (le »s actes unilatéraux et les contrats administratifs) et deux formes (les services publics et la police administrative).
L’action administrative, en créant des droits ou en imposant des charges aux particuliers, peut susciter une intervention du juge, à la demande des justiciables. Par ailleurs, le juge peut être partie à l’action administrative en dehors de tout contentieux. En effet, les juridictions ayant une vocation consultative interviennent par leurs avis dans l’action administrative.
Le Cameroun a réceptionné et consacré le principe de séparation des pouvoirs, duquel découle celui de l’autonomie de l’administration (bras séculier du pouvoir exécutif), par rapport aux autres pouvoirs, y compris le pouvoir judiciaire. L’application de ce principe suggère l’indépendance de l’action administrative.
- Article 13, loi des 16-24 août 1790 sur l’organisation judiciaire qui dispose que « les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives ; les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelques manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions ».
- Loi du 16 fructidor An III « Défense itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes d’administration, de quelques espèces qu’ils soient, au peine de droit ».
- Loi constitutionnelle du 22 frimaire An VIII instituant le conseil de l’Etat :
- Loi pluviôse An VIII.
Toutefois, l’on ne saurait perdre de vue le fait que le juge intervient dans le champ administratif soit à la demande de l’administration elle-même, (avis), soit à la demande des particuliers en cas de litige.
Si l’intervention du juge dans l’action administrative est aujourd’hui admise, cette intervention est-elle systématique ? bien plus, l’intervention du juge est-elle de nature à interférer, voire paralyser l’action administrative ? N’existe-t-il pas des îlots de l’action administrative hors du champ de l’intervention du juge ?
Pour répondre à ces questions, il convient de s’appesantir sur les fondements et les modalités de l’intervention du juge dans l’action administrative et d’en envisager les limites.
I- Les fondements et les modalités de l’intervention du juge dans l’action administrative
A- Les fondements de l’intervention du juge
1- Les fondements philosophiques et théoriques
La théorie de la séparation des pouvoirs : « check and balances »
Le principe de la soumission de l’Etat au droit.
2- Les fondements juridiques
a- Les bases constitutionnelles de l’intervention du juge : Titres V et VII de la Constitution ;
b- Les textes législatifs organiques : loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006 portant organisation judiciaire, loi n° 2006/016 du 19 décembre 2006 fixant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême ; loi n° 2006/018 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs ; loi n° 2006/017 du 29 décembre 2006 fixant organisation, attributions et fonctionnement des tribunaux régionaux des comptes ; loi n° 2003/005 du 21 avril 2003 fixant organisation, fonctionnement et attributions de la Chambre des Comptes de la Cours Suprême ; loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil Constitutionnel.
c- Les conventions internationales : Traité OHADA, Convention CEMAC.
B- Les modalités d’intervention du juge
1- Les fondements philosophiques et théoriques
a- Le contentieux de l’excès de pouvoir
b- Le contentieux de pleine juridiction ;
c- Les contentieux spécifiques (contentieux des élections municipales et régionales, etc.).
2- Un champ restreint pour le juge
a- Le contentieux de l’emprise irrégulière ;
b- Le contentieux de la voie de fait ;
c- Le contentieux spécifiques : accidents de circulation impliquant un véhicule administratif, expropriation pour cause d’utilité publique, etc.
3- Un champ naissant pour le juge constitutionnel et le juge des comptes, le juge supranational
a- Le juge constitutionnel : la fonction consultative et la fonction contentieuse en matière électorale (élections présidentielle, élections parlementaire et consultations référendaires) ;
b- Le juge des comptes : contrôle de la régularité des comptes des comptables publics ;
c- Le juge supranational : contrôle de conformité des actes des Etats membres par rapport au droit communautaire (Cour de Justice de la CEMAC).
II- Les limites de l’intervention du juge dans l’action administrative
A- Les privilèges de l’administration dans le cadre du contrôle juridictionnel
1- Les privilèges dans le cadre des procédures
a- Les privilèges dans la phase précontentieuse : le recours gracieux préalable ;
b- Les privilèges dans la phase contentieuse : le privilège de l’exécution d’office et le privilège du préalable, le contrôle minimum dans le cadre de l’exercice du pouvoir discrétionnaire ;
c- Les privilèges dans la phase d’exécution : interdiction d’adresse des injonctions à l’administration ou de la condamner à des astreintes, absences d’exécution forcée des décisions condamnant l’administration. L
2- Les autres privilèges
a- Les actes de Gouvernement ;
b- Les circonstances exceptionnelles
c- Les décaissements législatif : chefferie traditionnelles, délimitation des circonscriptions administratives, lutte contre le terrorisme et le banditisme ;
B- Les pesanteurs extra-juridiques qui limitent l’intervention du juge
1- Le déficit d’esprit processif des citoyens ;
2- La centralisation de certaines juridictions nationales ;
3- L’éloignement des juridictions supranationales ;
4- Le coût de la justice.
Conclusion
La question de l’intervention du juge dans l’action administrative est liée à celle de l’institution même d’une juridiction administrative autonome qu’il s’avère intéressant d’examiner.
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