Délégation de pouvoir et délégation de signature
Dans la mesure où l’acte administratif pose des prescriptions d’ordre général qui s’imposent à des tiers, il doit émaner d’une autorité disposant d’une aptitude juridique pour la faire. Cette aptitude est qualifiée de compétence (il s’agit ici de la compétence juridique qui ne se confond pas à la compétence technique même si les deux devaient cumuler et être détenue par une même autorité). La compétence juridique ne se présume pas, dans la mesure où elle est d’ordre public, étant donnée qu’elle ne peut pas être modifiée même si les différentes parties sont d’accord pour y remédier, et que les autorités administratives ne peuvent pas empiéter sur les compétences d’une autre, même s’il est question d’une autorité subordonnée (CCA 27 décembre 1957, Sieur NDJOCK Paul c/Etat du Cameroun).
Mais la rigueur qu’on observe dans la formulation de ce principe bute parfois à la réalité. En effet, les nécessités de la vie courante et surtout le respect du principe de la continuité du service public ont conduit à trouver les tempéraments à cette règle rigide, parmi lesquels la délégation de pouvoir et la délégation de signature. Ces deux techniques qui visent l’allègement des tâches d’une autorité ne signifient pas la même chose.
Toutefois, sans être antinomique, les deux recèlent des particularités qui nécessitent une certaine différence aussi bien du point de vue des conditions de fond (I) que de leurs effets (II).
- I.LES CONDITIONS DE LA DELEGATION DE POUVOIR ET DE LA DELEGATION DE SIGNATURE
La différence entre les deux réalités, à ce niveau n’est pas très marquante puisque certaines conditions leurs sont communes alors que d’autres sont propres à d’autres types de délégations.
- A.Les conditions communes
La délégation qu’elle soit de pouvoir ou de signature doit répondre aux conditions suivantes :
- 1.Elle doit être prévue par un texte ou du moins, un texte ne doit pas exclure explicitement ou implicitement. Exemple : l’article 5 de la Constitution qui autorise le PR à déléguer ses pouvoirs à une autre autorité.
- 2.La délégation doit être écrite
- 3.Elle doit être partielle : cela veut dire qu’une autorité dans le cadre de ses attributions, ne peut s’en dessaisir totalement. Ceci entrainerait un bouleversement dans l’ordre des compétences et surtout frise la démission. CE 8 février 1960, Chauvet.
- 4.Elle doit être explicite et précise
- B.Les conditions propres à chaque type de délégation
- 1.Les délégations de signature
Elle est intuitu personae c'est-à-dire qu’elle est faite en considération de la personnalité délégataire. Elle traduit un rapport de confiance entre le délégant et le délégataire
- 2.La délégation de pouvoir
- Elle ne tient pas compte de la personne des autorités en causes ;
- Elle est abstraite, en qualité.
- II.LES DEUX NOTIONS SONT DIFFERENTES DANS LEURS EFFETS
- A.La délégation de signature
- Elle ne dessaisit pas le délégant
- Le délégant reste l’auteur réel de la décision
- Le délégataire ne peut pas s’affranchir de l’autorité du délégant.
CA/CS 6 mai 1981 OYIE TSOGO Joseph c/Etat du Cameroun « Attendu que les pouvoirs que le décret du 9 novembre 1978 reconnaît au secrétaire général de la province ne lui confèrent aucune autonomie vis-à-vis du gouverneur dont il reçoit d’ailleurs délégation de signature qui ne dessaisit pas le délégant au profit du signataire délégué ».
- La subdélégation est interdite au délégataire de signature.
La délégation de signature prend fin dès la désinvestiture du délégant.
- B.La délégation de pouvoir
- Elle modifie la répartition des compétences
- Elle dessaisit au profit du délégataire
- La subdélégation est possible au délégataire sous forme seulement d’une délégation de signature.
- La délégation de pouvoir subsiste même après la désinvestiture du délégant
Conclusion
Bien que poursuivant les mêmes préoccupations (allègements des tâches des autorités), la délégation de pouvoir et la délégation de signature n’en présentent pas moins des intérêts différents. L’un est abstrait alors que l’autre est concret. Mais les deux ne réalisent pas une véritable entorse à la règle de compétence comme c’est le cas de la théorie des fonctionnaires de faits.
Commentaires
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